Textes | 29 juin 2018 | Par François Oillic

Médiation, aide juridictionnelle, confidentialité et appréciation des diligences du médiateur

L’article 18 du décret n° 2016-1876 du 27 décembre 2016 portant diverses dispositions relatives à l’aide juridique a créé un article 118-10 au sein du décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, ainsi rédigé :

« Dès lors que l’une des parties à la médiation bénéficie de l’aide juridictionnelle, une rétribution est versée par l’Etat au médiateur, en cas de médiation ordonnée par le juge ou en cas de saisine du juge aux fins d’homologation d’un accord intervenu à l’issue d’une médiation conventionnelle.

Cette rétribution est versée après transmission par le médiateur au juge d’un rapport de présentation exposant les termes de l’accord et permettant à ce dernier d’apprécier l’importance et le sérieux des diligences accomplies. »

La légalité de ce dernier alinéa a été contestée devant le Conseil d’Etat aux motifs qu’il aurait porté atteinte au principe de confidentialité qui régit le processus de médiation, qu’il aurait méconnu le principe d’impartialité et le « droit à rétribution » du médiateur, qu’il aurait conditionné la rétribution de ce dernier à un accord entre les parties ou restreint la rétribution du médiateur aux seules diligences accomplies en vue de l’homologation de l’accord ou encore qu’il aurait été contraire au droit à un recours effectif ou à un accès à un tribunal impartial.

Par un arrêt en date du 14 juin 2018, le Conseil d’Etat a annulé cet article 118-10 en tant qu’il prévoyait l’exposé, par le médiateur, des termes de l’accord lorsque celui-ci intervient à l’issue d’une médiation judiciaire n’ayant pas fait l’objet d’une demande d’homologation par les parties.

 

1 – Application du principe de confidentialité

 

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat reprend le premier alinéa de l’article 21-3 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, aux termes duquel :

« Sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité.

Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d’une instance judiciaire ou arbitrale sans l’accord des parties. »

Dans un deuxième temps, le Conseil d’Etat analyse les dispositions de l’article 131-12 du code de procédure civile, en ce qui concerne la médiation judiciaire, et celles de l’article 1534 du même code, en ce qui concerne la médiation conventionnelle, aux termes desquelles lorsque les parties sont parvenues à un accord à l’issue de la médiation et en demandent l’homologation, cette demande est présentée par elles au juge.

Il en conclut que ce dernier est nécessairement informé par elles des termes de l’accord ainsi conclu et qu’en prévoyant que le médiateur expose ces termes dans son rapport de présentation, le décret attaqué ne méconnaît pas le principe de la confidentialité de la médiation.

En revanche, le décret méconnaît ce principe en tant qu’il prévoit également l’exposé par le médiateur des termes de l’accord lorsque celui-ci intervient à l’issue d’une médiation judiciaire n’ayant pas fait l’objet d’une demande d’homologation, dès lors que, dans ce cas, l’information du juge n’est pas la conséquence nécessaire d’une demande d’homologation.

Le décret attaqué est donc annulé sur ce point.

Le Conseil d‘Etat considère par ailleurs que, en ce qu’il prévoit que le rapport de présentation permet au juge d’apprécier l’importance et le sérieux des diligences accomplies, le décret attaqué n’a ni pour objet ni pour effet de contraindre le médiateur à divulguer des informations relatives au contenu de la médiation en méconnaissance du principe de confidentialité.

 

2 – Appréciation de l’importance et du sérieux des diligences accomplies par le médiateur

 

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat cite l’article 21-2 de la loi du 8 février 1995 précitée : « Le médiateur accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence. »

Puis il cite l’article 131-11 du code de procédure civile, relatif à la médiation judiciaire, qui dispose  « à l’expiration de sa mission, le médiateur informe par écrit le juge de ce que les parties sont ou non parvenues à trouver une solution au conflit qui les oppose. Le jour fixé, l’affaire revient devant le juge. »

Il cite enfin les dispositions de l’article 131-13 alinéa 1 du même code : « A l’expiration de sa mission, le juge fixe la rémunération du médiateur. »

Il considère qu’il en résulte que la rémunération du médiateur ne peut dépendre de la circonstance que les parties sont ou non parvenues à un accord.

Il en conclut que, dans le cas d’une médiation ordonnée par le juge (médiation judiciaire), et lorsque les parties ne parviennent pas un accord, le médiateur ne fait que constater, dans son rapport, l’absence d’accord et informe le juge des diligences accomplies afin d’obtenir rétribution au titre de l’aide juridictionnelle ; que le décret attaqué ne méconnaît donc pas le principe d’impartialité et le « droit à rétribution » du médiateur et ne conditionne pas la rétribution de ce dernier à un accord entre les parties.

Le Conseil d‘Etat considère par ailleurs, d’une part, qu’en cas de saisine du juge aux fins d’homologation d’un accord intervenu à l’issue d’une médiation conventionnelle, les dispositions de l’article 118-10 du décret du 19 décembre 1991 n’ont ni pour objet ni pour effet de restreindre la rétribution du médiateur aux seules diligences accomplies en vue de l’homologation de l’accord et ne sont dès lors pas contraires au principe d’impartialité, au « droit à rétribution » du médiateur dans le cadre d’une médiation conventionnelle ou au droit à un recours effectif et à un accès à un tribunal impartial.

CE, 14 juin 2018, n° 408265, 408423 et 408424