La médiation administrative

« (…) lorsque le glaive de la justice s’abat, il sépare, disjoint ou distend, en ne laissant entre les êtres d’autre ciment que la parole et l’autorité du droit, la jurisdictio et l’imperium, c’est-à-dire une parole et une force qui viennent de l’extérieur.

Or la régulation sociale ne peut et ne saurait reposer toute entière sur une contrainte externe, en particulier celle qu’imposerait le juge. Les autres pouvoirs, bien sûr, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, sont eux aussi responsables de la cohésion de notre société.

Mais la régulation sociale est une responsabilité qui incombe d’abord, et peut-être avant tout, à chacun des individus, chacune des personnes, qui forment la société. » M. Jean-Marc SAUVÉ, Vice-président du Conseil d’Etat, Communication au colloque sur les développements de la médiation, allocution d’ouverture. Conseil d’Etat, Paris (2011).

L’heure est à la réforme de la justice et à la substitution au glaive, d’un mode de résolution des litiges horizontal, plus souple, plus rapide, laissant toute sa place à une discussion libre et à une négociation raisonnée.

La médiation administrative est entrée dans le code de justice administrative par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

Elle est définie, et son régime juridique précisé, par les articles L213-1 et suivants et R213-1 et suivants du code de justice administrative.

La médiation administrative est un processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs médiés tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction.

Le médiateur accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence.

Sauf accord contraire des médiés, la médiation est soumise au principe de confidentialité. Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d’une instance juridictionnelle ou arbitrale sans l’accord des médiés.

Il est fait exception à ces dernières dispositions dans les cas suivants :

1° En présence de raisons impérieuses d’ordre public ou de motifs liés à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ou à l’intégrité physique ou psychologique d’une personne ;

2° Lorsque la révélation de l’existence ou la divulgation du contenu de l’accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre.

L’accord auquel parviennent les médiés ne peut porter atteinte à des droits dont elles n’ont pas la libre disposition.

Lorsqu’elle constitue un préalable obligatoire au recours contentieux en application d’une disposition législative ou réglementaire, la médiation présente un caractère gratuit pour les médiés.

Les délais de recours contentieux sont interrompus et les prescriptions sont suspendues à compter du jour où, après la survenance d’un différend, les médiés conviennent de recourir à la médiation ou, à défaut d’écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation. Ils recommencent à courir à compter de la date à laquelle soit l’un des médiés ou les deux, soit le médiateur déclarent que la médiation est terminée. Les délais de prescription recommencent à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois. Lorsque le délai de recours contentieux a été interrompu par l’organisation d’une médiation, l’exercice d’un recours gracieux ou hiérarchique ne l’interrompt pas de nouveau, sauf s’il constitue un préalable obligatoire à l’exercice d’un recours contentieux.

La personne physique qui assure la mission de médiation doit posséder, par l’exercice présent ou passé d’une activité, la qualification requise eu égard à la nature du litige. Elle doit en outre justifier, selon le cas, d’une formation ou d’une expérience adaptée à la pratique de la médiation.

Le Conseil d’État a défini une charte éthique des médiateurs dans les litiges administratifs, que s’engage à respecter toute personne désignée comme médiateur par une juridiction administrative et aux termes de laquelle le médiateur administratif présente des garanties de probité et d’honorabilité, informe les parties sur le déroulement du processus, s’assure de leur compréhension et de leur consentement libre et éclairé, respecte la confidentialité et leur liberté. Le médiateur doit être indépendant, loyal, neutre, impartial, diligent, désintéressé et compétent. A cette fin il doit  :

a)  disposer d’une expérience professionnelle d’au moins cinq ans dans le domaine du litige ;

b) posséder une qualification dans les techniques de médiation: il justifie d’une formation en médiation ou d’une expérience significative dans ce domaine, dont la qualité est appréciée par la juridiction ;

c) s’engager à actualiser et perfectionner ses connaissances théoriques et pratiques – en s’informant régulièrement sur l’actualité juridique de son domaine de compétence ainsi que sur l’actualité des méthodes de négociation et les évolutions en matière de règlement alternatif des litiges ; – en participant à des événements autour des modes de règlement alternatif des litiges (colloques, ateliers, débats, …) ou à des formations sur ces thèmes.

Le champ d’application privilégié de la médiation administrative devrait être celui des différends entre l’administration (Etat, collectivités locales, établissements publics, …) et ses agents, dans le cadre de l’exercice de leur activité, ou ses cocontractants dans le cadre de l’exécution de contrats (marchés publics, délégations de service public, occupation du domaine public, ….) ou les usagers du service publics lorsque l’activité administrative crée un dommage par exemple.

Certains différends administratifs ne pourront toutefois pas faire l’objet d’une médiation parce qu’ils sont au cœur de l’exercice même de la puissance publique, par nature non négociable (diplomatie, défense, sécurité intérieure, élections,…).

Il ne peut cependant être exclu qu’une médiation puisse être conduite préalablement à l’édiction d’une décision administrative, comme un permis de construire ou un arrêté portant atteinte à l’exercice d’une liberté (interdiction de circulation par exemple).

Dès lors que l’autorité administrative dispose d’un pouvoir d’appréciation, qu’elle a le choix entre plusieurs solutions légales, que la discussion est possible ou qu’une négociation peut avoir lieu dans le respect de la légalité, la médiation est envisageable.

A titre expérimental, les recours contentieux formés par certains agents soumis aux dispositions de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires à l’encontre d’actes relatifs à leur situation personnelle doivent faire l’objet d’une médiation préalable obligatoire, dans des conditions qui ont été fixées par le décret n°2022-433 du 25 mars 2022.

Aux termes d’un communiqué du Conseil d’État du 28 mars 2022, 4 327 médiations ont été organisées par les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, dont la moitié a permis d’aboutir à un accord.

En 2023, 1 819 médiations ont été menées à bien au sein des juridictions administratives, principalement à la demande du juge. 48 % de ces médiations ont abouti à un accord.
Les médiations engagées portent principalement sur trois matières :
• Fonctionnaires et agents publics : 385
• Travail (Pôle Emploi) : 373
• Urbanisme / aménagement : 259

Le dispositif de médiation préalable obligatoire, applicable à certains litiges de la fonction publique et à certains litiges sociaux, a permis de trouver un accord pour 76 % des 4 364 médiations préalables menées depuis le début de son expérimentation.