Textes | 23 juin 2019 | Par François Oillic

Médiation administrative : premier bilan et nouveaux commentaires

Pages 18 à 27 de l’annexe 10 au rapport n° 1990 de l’Assemblée nationale du 5 juin 2019 sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2018 (n°1947) : http://www.assemblee-nationale.fr/15/rapports/r1990-a10.asp

Extraits :

« Cela étant, les éléments d’analyse développés devant le rapporteur spécial donnent à penser que ces procédures présentent, pour les justiciables un intérêt qualitatif.

(…).

En soi, la concentration des procédures tend à démontrer que certains litiges se prêtent davantage au recours à la médiation. Il en va particulièrement ainsi dans le cas où les enjeux – notamment financiers – prédisposent plus facilement à négocier. D’après les personnes interrogées par le rapporteur spécial, ceci pourrait expliquer qu’un différend en matière de marchés publics donne davantage lieu à des médiations.

Mais au-delà, on peut considérer que la procédure permet de régler des litiges de manière plus pertinente que par l’application d’une solution de droit. Tel est le point de vue de Mme Anne-Laure Girard et M. Antoine Claeys, professeurs des universités (11), nombre de personnes entendues par le rapporteur spécial citent en exemple le règlement des litiges dans le domaine du droit de la fonction publique ou dans le cas de litiges de voisinage. D’après leur analyse, ces contentieux présentent une forte dimension « émotionnelle » et la médiation peut permettre de dégager des solutions plus satisfaisantes pour les deux parties qu’un recours contentieux peu susceptible de rendre les relations moins conflictuelles.

(…).

Du point de vue des justiciables, le développement du recours à la médiation se heurte d’abord à la mauvaise connaissance ou compréhension de la procédure, de ses implications et de son efficacité par rapport à un procès. Pour certains d’entre eux, la médiation pourrait être perçue comme une procédure susceptible de repousser l’accès au juge. En outre, alors que le recours contentieux devant les juridictions administratives peut sembler « gratuit », le coût et les modalités de financement des médiations sont une charge pour les requérants, à savoir les honoraires versés au médiateur et, éventuellement, la rémunération du conseil. »

Commentaires :

Le législateur n’a pas souhaité distinguer en droit administratif la médiation de la conciliation. Cette confusion de deux techniques de résolution amiable des différends, proches mais distinctes, est de nature à freiner l’émergence de la médiation. Une même personne, dénommée médiateur, peut donc assumer deux missions distinctes, celles de médiateur stricto sensu et/ou celle de conciliateur.

La médiation a un double objectif : rétablir la communication par la gestion des émotions et, le cas échéant, parvenir à un accord. Le médiateur recourt à cette fin à des techniques de communication pour faire accoucher les esprits. Il ne s’implique pas dans la résolution de l’accord en soumettant une proposition d’accord par exemple, comme le fait le conciliateur. Il ne négocie pas davantage un accord. La démarche est fondamentalement celle des personnes en conflit, qui négocient librement.

Par conséquent, face à un conflit, il importe d’identifier les objectifs des parties : veulent-elles et/ou doivent-elles poursuivre une relation à court et moyen terme (relations de travail, relations de voisinage, relations contractuelles) ? Dans cette hypothèse, la médiation stricto sensu, entendue comme une technique visant à renouer le dialogue, est l’outil adapté. C’est en ce sens qu’il convient peut-être de lire ci-dessus que ce processus (et non procédure) présente un intérêt qualitatif pour les justiciables (et pour la société).

Veulent-elles simplement parvenir à un accord amiable ? Elles recourrons alors à une négociation (sur positions ou raisonnée), seules ou avec l’aide d’un conciliateur. Le recours à la médiation stricto sensu peut paraître disproportionné.

Consacrer du temps à soigner une relation a nécessairement un coût et donc, analyser en amont de la prescription d’une médiation les objectifs à atteindre, permettra d’évaluer au mieux les honoraires et répondre à la préoccupation des justiciables.